Petite Venise

Petite Venise

Là où la mer reprend sa qualité de reine,
Partout dans les ruelles elle occupe la scène.
Elle étend sa présence, et demeure souveraine,
Elle gouverne les voies et rend justice saine.

Toutes ces couleurs vives qui emplissent ma vue
Font pleurer les amours aux ruptures imprévues.
Aussi fort chatoyants, aussi fort m’as-tu-vus
Ces tons démesurés ont un goût de bévue.

Que ces couleurs sont tristes, même quand elles rient,
Quand l’amour est parti avec le car-ferry.
Toutes les belles robes serties de pierreries
N’ont pas plus de saveur qu’un cœur de céleri.

Enfin, qu’ils me pardonnent, ils m’ont trop fait pleurer,
Les joyeux gondoliers, ils m’ont trop écœuré.
Même si leurs gondoles font les cœurs affleurés,
Elles m’ont trop blasé et mon âme leurrée.

Je sais que reviendra le temps de l’allégresse,
Des rires et des chants, délices enchanteresses.
Je sais qu’après le flot de l’amère sécheresse
Reviendront les mots doux et le temps des caresses.

Mais je ne vois qu’ici, le reflet des tendresses
Qui déforment mes sens d’une folie traîtresse.
Une chape de plomb, une lourde compresse,
Qui affame mon cœur et nourrit ma détresse.

Laissez-moi m’enfoncer dans ces eaux bien tranquilles
Quand on endort les rues, quand on éteint la ville.
Je m’en vais vous quitter, partir de la presqu’île,
Car mon cœur est damné et mon âme est servile.

Tableau de Fabienne Barbier

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