
Ça faisait un an déjà que je courtisais ma belle.
Je la rencontrais le soir lovée dans son habit rouge.
Pour n’avoir pas l’air goujat, j’apportais des mirabelles
Qu’on mangeait sans rien surseoir sous l’ombrage des carouges.
Elle ôtait sa pèlerine d’une couleur écarlate
Et l’étendait sur la mousse dans un mouvement de grâce.
En ouvrant grand les narines, en haussant les omoplates
Et riant de sa frimousse sur le tapis d’herbes grasses.
Je l’appelais « Coquelicot », pour ses lèvres vermillon.
« La cousine du Pavot », pour ses pommettes vermeilles.
Je l’appelais « Mon Œillette », pour ses hanches en papillon.
Elle était mon « Argémone », qui régnait sur mon sommeil.
Pour honorer son pistil et préserver ses pétales,
J’étalais sa robe rouge comme chasuble sacrée.
Je mettais beaucoup de style à dévoiler cet étal
Car je suis né à Montrouge et je m’y suis consacré.
Elle avait une peau blanche, satinée comme une pèche
Avec des lèvres grenat et des mamelons corail.
Entre ses bras, la pervenche voulait que je me dépêche
À grimper au Nirvana dans son caravansérail.
Quand nous avions épuisé nos provisions de baisers
Et tari toute la source qui abreuve l’amourette,
Nos sens tout amenuisés n’étaient qu’à peine apaisés,
Nous n’avions d’autre ressource que fumer une cigarette.
Les coquelicots ne durent que l’espace d’un printemps
Et la chaleur estivale enflamma ses oriflammes.
On vit fondre la soudure de nos deux cœurs éreintants
Et ce rouge adjectival me darda ses lance-flammes.
C’est la fleur que je préfère et qui brûle dans mon cœur.
Quand je goûte ses pétales, je repense à ma passion.
Il n’y a plus rien à faire, il n’y a pas de rancœur,
Quand les amours sont létales, elles meurent en compassion.
Tableau de Fabienne Barbier
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