Les maladroits, les trop osés, les non satisfaisants, les « à revoir » et tous ceux qui auraient sans doute dû finir à la poubelle.
Ils n’ont pas été choisis. Trop vifs, trop mous, trop bruts, trop flous.
Mais ils sont là. Fragments d’élan, chutes de vers, éclats d’essai.
Ils ne brillent pas toujours… mais parfois, ils clignent de l’âme.
Picasso n’était pas soigneux et rangeait n’importe comment Les instruments de sa palette et vivait à couteaux tirés Avec des rivaux besogneux qui changeaient le grossissement De l’optique de ses lunettes faussant les images étirées.
Un événement enfoui revient souvent à la surface Malgré les couches de souvenirs qui se tassent dans ma mémoire. Moi-même, perdu dans le fouillis astronomique du temps qui passe, Je pensais ne plus détenir la clef égarée de l’armoire.
Mais voilà que du fond de l’œil, voici que du creux de l’oreille, Remonte la réminiscence d’une situation ridicule. Souvent, elle blesse mon orgueil d’une insolence sans pareille ; Je souhaiterais, de mon enfance, en effacer la pellicule.
Expressionnisme Mouvement artistique caractérisé par l’intensité de l’expression des sentiments ou de certains aspects de la réalité, par opposition au respect d’un code formel.
Impressionnisme Mouvement pictural axé sur l’expression des impressions suscitées par la lumière et les objets.
Surréalisme Mouvement artistique qui prônait l’importance de l’imaginaire, de l’association des idées, de l’automatisme.
Dépressionnisme Lorsque j’entends l’explication de ces mouvements artistiques, Je me sens plus proche du cancre que de ce docte perfectionnisme. Alors, fi des complications et ces folles caractéristiques ! Moi, le poète, je jette l’encre dans le trou du dépressionnisme.
Les hommes naissent dans les choux, les femmes naissent dans les roses, Les anges naissent des étoiles et les poèmes naissent du cœur. Les rêves dans le sable échouent, des émotions naissent les pleurs ; Tous ces chefs d’œuvre, nés d’une toile, sont d’artistiques métamorphoses.
Insignifiants ou ridicules, déguenillés ou bien sapés, Souriants ou tristes à pleurer, le teint clair ou bien basané, Les jeunes gens qui gesticulent, les gaillards, les handicapés, Poussés ou à peine effleurés, tous les jours de toute l’année.
Je les observe de ma fenêtre, je les dévisage en terrasse, Je les aime ou je les déteste, je les admire ou je m’en moque. Ces gens, je dois le reconnaître, ont quelque chose qui m’embarrasse ; C’est d’afficher, je vous l’atteste, toutes leurs pensées équivoques.
Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.
Toute l’évolution de l’homme accomplit son apprentissage Par le pont de la connaissance qui lui fait franchir les obstacles. Ainsi l’humain, dans son génome, a cumulé tous les passages Qui se révèlent, à la naissance, prêts à répéter le miracle.
Photo du Pont de Rakotzbrücke en Allemagne par Josh Perrett.
Quand je chevauchais les nuages au temps de mes rêves d’enfant, J’allais plus vite que l’orage et plus brillamment que la foudre. J’adorais ce plaisir suave qui rendait mon cœur triomphant Lorsque je montrais mon courage ainsi que l’envie d’en découdre.
Autrefois, les plus de vingt ans racontaient leur vie de bohème Sous des mansardes monotones, des anars, des intellectuels. C’étaient des artistes au printemps ; en été, clameurs de poèmes ; Peintres méconnus en automne et chanteurs des rues à Noël.
Ensemble, en fin d’après-midi, nous nous retrouvons face à face ; Elle qui vit sur la rive gauche et moi qui vit en rive droite. Nous usons de cette comédie afin que la nuit satisfasse Nos appétences de débauche et d’inconduites maladroites.
Toujours plus haut, toujours plus vite, toujours plus grand, toujours plus loin ! Telle est la devise de l’homme devant l’obstacle à son orgueil. Toujours dépasser ses limites, toujours accumuler des points, Toujours disputer des slaloms, toujours faire du tape-à-l’œil.
À quoi peut rêver un géant qui observe toutes les nuits La course effrénée des étoiles qui dansent autour de sa tête ? Au peuple errant dans le néant qui s’appelait les Rapa Nui, Disséminé parmi les voiles qui voguent sur les vagues en fête.
Je ne connais de cette ville que ses descentes exceptionnelles Qui plongent dans le Pacifique dans une brume océanienne. Moi, qui ne suis né qu’à Saint-Gilles, garde une extase émotionnelle Pour les sillons discographiques des musiques californiennes.
Merci Maxime Leforestier, Scott McKenzie et Éric Clapton D’avoir chanté la maison bleue, le blues, le folk, le Rock’n’Roll Merci aux romans policiers et leurs poursuites qui détonent Après ces gangsters crapuleux qui détenaient le premier rôle.
On nous l’annonce depuis longtemps : La fin du monde est pour bientôt ! Mais surviendra-t-elle brusquement ou usera-t-elle notre patience ? Je ne serais pas mécontent que Dieu nous mette un mémento Dans son troisième testament que je lirais en prévoyance.
Féminin du cycle de l’eau, masculin du cycle du sel, Fruit de la mer dans son berceau couronné des marais salants. Accouché des vagues à grelots de l’océan universel, L’œil circonscrit dans le cerceau couvé d’un regard nonchalant.
Tout tourne autour de la couleur dans notre monde en mouvement Comme une machine indolente qui jamais ne s’arrêtera. Chacun échappe à ses douleurs en continuant activement Son petit train-train insolent mais un jour le regrettera.
Lorsque j’aurai changé de peau dans ma prochaine incarnation, Peut-être aurai-je évolué vers une race de vainqueurs Avec des yeux, fort à propos, dotés de nouvelles adaptations Me permettant d’évaluer ce qu’on ne voit qu’avec le cœur.
Je vis sur mon petit nuage sur un fil d’irréalité Lorsque je rêve d’avenir et que je m’en vais voir ailleurs. Je me juge au-dessus des rouages des terribles actualités Qui menacent mes souvenirs d’un monde que j’ai cru meilleur.
À force de passer son temps à pleurer sur l’agitation, augmentations limitations On se retrouve dans le bain et le marasme se dilate. Mais quand ça devient un étang de larmes et de lamentations, On pourrait s’en laver les mains comme disait Ponce Pilate.
Tenir le monde dans sa main, avec l’infini qu’il contient, Ressemble à un rêve utopique ou à la folie des grandeurs. J’y ai cru quand j’étais gamin mais aujourd’hui, je le maintiens, C’est aussi fantasmagorique que la promesse d’un vendeur.
Le monde me tient dans sa main, je ne cherche plus à comprendre La physique et ses dimensions me mesurent à leurs proportions. Ce que j’ai appris en chemin, je dois déjà le désapprendre Car le temps est la condition de ma propre disproportion.
Tenir le monde dans ma main quand j’étais jeune et ambitieux Me paraissait réalisable à condition de le comprendre. J’ai donc passé à l’examen tout ce qui me semblait judicieux Et suffisamment maîtrisable pour commencer à l’entreprendre.
Mais plus j’essayais de l’apprendre et plus ses frontières s’éloignaient Et plus j’en faisais une image et moins elle lui ressemblait. Il ne cessait de me surprendre sans jamais me laisser l’empoigner Comme une sorte de mirage que je ne pouvais rassembler.
Hélas, elle en aimait un autre et son petit regard navré Trahissait l’élan de son cœur qu’elle protégeait de ses mains. Alors, comme le pauvre apôtre dont la foi resterait sevrée, Je ne lui tins jamais rancœur de cet amour sans lendemain.
Quelques génies américains ont sacrifié à la légende Par des passages enchaînés à la profondeur de l’espace. Toutefois le sang africain, porté par sa valeur marchande, A su, lui-aussi, déchaîner les vanités entre deux races.
Ce continent bizarrement constitué de plusieurs branches Et qui devrait faire le pont entre les civilisations Privilégie dérisoirement la putative couleur blanche Alors que son sang correspond à l’alliance d’antiques nations.
Tableau de Robert Lyn Nelson inspiré de Vincent van Gogh.
Longtemps les sociétés secrètes souhaitait une vision cosmique Qui fracasserait le carcan des dogmes étriqués des églises. Mais dans la crainte qu’on décrète l’odeur de soufre ectoplasmique, On fit un projet ne risquant nullement qu’on le diabolise.
Comme il fallait dissimuler cet appendice panoramique, Eiffel en fit une dame de fer et Paris, fier, l’illumina. Mais alors, comment simuler ses outrecuidances orgasmiques ? Vincent van Gogh, à son affaire, de ses pinceaux l’enlumina.
Tableau de Robert Lyn Nelson inspiré de Vincent van Gogh.
La mosaïque des fragments des intentions de la nature N’aurait jamais été traduite sans les peintres expressionnistes. Malgré leur langage vaguement transfiguré par la peinture, Qui semble une farce introduite par un démon illusionniste.
Selon si l’intrigue a mûri au fil des pages de mon livre Ou si ma pomme contient des vers, la connaissance me nourrit. Jamais n’aurai de pénurie tant que ma folle envie de vivre Continuera d’écrire en vers ce qui, dans ma vie, me sourit.
En me fiant à ma boussole et sortant des chemins battus, J’ai retrouvé d’anciennes pistes qu’utilisaient les demi-dieux. Quand j’en rencontre, je les console à cause des arbres abattus, Mais d’un naturel utopiste, ils restent miséricordieux.
L’instinct grégaire nous rassemble à la conquête des espaces Et brasse, des terres étrangères, ses progénitures fécondes. À première vue, dans son ensemble, je dirais que ça me dépasse Mais ma vision est mensongère car j’ai reconnu la Joconde.
Si les chromosomes romains ont croisé les belles indigènes Et si les mongols d’Attila ont franchi nos générations, Il est normal que l’être humain y gagne en métissant ses gènes Et ce serait un pugilat que renoncer aux migrations.
Ailleurs, les pays sont si beaux qu’on y déferle en paquebot ; Là-bas, si belles sont les rivières qu’on y affrète des croisières, Les îles de la Perfide Albion sont chartérisées en avion ; Et la Polynésie française est actuellement mal à l’aise.
Cette image indéfinissable mais que j’ai si souvent gravée Sur ma rétine en rémanence malgré la couleur qui déteint Semble s’effacer sur le sable avec la marée délavée Dont la vague entre en résonance avec mon rêve qui s’éteint.
Entre contraste et contrechant, l’image se superpose au son Pour graver dans l’œil et l’oreille une séquence instantanée. Le spectateur est, sur le champ, saisi sans l’ombre d’un soupçon D’une sensation sans pareille face à cet écho spontané.
La voix s’échappe par moment de son escorte d’instruments ; Tandis que l’orchestre joue la tortue, le lièvre poursuit sa chanson. Chacun s’amuse en slalomant dans cette lutte incongrûment Mais à la fin, on s’évertue à terminer à l’unisson.
Dans le cœur d’une femme, la corne de licorne Lui transmet cette force qu’on ne peut qu’acclamer. Dans le corps d’une femme, le feu de la licorne Apparaît sur son torse comme seins enflammés.
L’une et l’autre ont le don de la télépathie Qui transmet les pensées directement au cœur. Le pouvoir du pardon ainsi que l’empathie Les ont récompensées au rang des grands vainqueurs.
Le temps vieilli cruellement et sa mécanique se grippe. Or, si son rythme s’accélère, ses rouages vont se briser. La preuve en est, réellement, par ces comètes qui s’agrippent Aux plans du système solaire avec la queue vert-de-grisée.
Le temps change tellement vite, là-haut, sur nos montagnes suisses, Que je l’imagine roulant à toute berzingue sur l’horizon. À bicyclette, elle lévite, la météo aux belles cuisses ! Et voilà le ciel chamboulant depuis le Valais jusqu’aux Grisons.
Comme elle effectuait en vain sa tâche presque interminable, Je lui ai dit qu’il était temps de terminer son paragraphe. Lâchant sa plume d’écrivain, elle prit la pose indéclinable À l’envers en se dévêtant … et moi de peigner la girafe.
(Bidybuilding d’Emma Fay. Peigner la girafe : Effectuer en vain une tâche très longue ou ne rien faire de son temps.)
Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue.
Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.
Puisque porter son ridicule patronyme l’affaiblissait, Elle fit collection de masques pour renforcer son caractère. Ainsi finie la particule qui lourdement l’anoblissait Et bonjour aux esprits fantasques plutôt rebelles et réfractaires !
Elle baillait aux corneilles par les alexandrins Qu’écrivaient son mari d’une plume ennuyeuse. Elle aurait préféré que quelques boute-en-train La distraient de sa vie un peu trop gribouilleuse.
Or, Monsieur du Corbeau – de Jean de La Fontaine – Lui fit prendre racine, elle fit machine arrière. Il imitait Molière avec sa voix hautaine Et elle, riait si fort qu’en tremblaient les bruyères.
Comme je noyais le poisson sur une question indiscrète, Elle ouvrit la cage aux oiseaux pour me monter le bourrichon. Et je vis toute la moisson de mes idées le plus secrètes S’éparpiller dans le réseau de son délire maigrichon.
Après avoir cherché longtemps la voie qui me correspondait J’ai opté pour les utopistes aux habits à belles rayures. J’y ai passé quatre printemps mais, étant trop dévergondé, J’ai dit avant qu’on me dépiste : « bye-bye et à la revoyure ! »
Ce premier rayon de soleil qui me caresse le visage, M’éblouit juste une seconde les yeux pour y fixer l’image Du dernier rêve du réveil auquel mon esprit envisage D’en faire la vision du monde même si ce n’est qu’un mirage.
Celui où celle qui emprunte la voie de la rue du baiser Et qui veut conquérir l’amour part, le cœur déjà engagé Car le désir marque une empreinte indéfectible à apaiser Qui lance le compte à rebours vers une passion encagée.
Tous les combats laissent des traces restées exposées sur le corps. L’esprit s’expérimente autant que le cœur forge son courage ; L’âme raffermit sa cuirasse et l’amour signe ses records Car patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
Toutes ces épreuves gagnées, je les porte sur mon visage Comme décoration de guerre contre mes démons personnels. Si mes traits sont accompagnés d’éclaboussures de bronzage, Mes bleus de l’âme de naguère en sont l’auteur originel.
Quand je la vis au paradis, entourée de blanches colombes, Je n’ai pas tenté de l’induire en erreur sur nos retrouvailles. D’ailleurs, je ne lui ai pas dit que je l’appelais « ma palombe » Dans l’intention de la séduire lorsque je régnais à Versailles.
À première vue, l’écharpe jaune attire toute l’attention Et son regard plongé dans l’ombre évite toute confrontation. Ainsi, la discrète amazone, dissimule ses intentions Par le truchement en surnombre d’inhibiteurs de tentation.
Tableau « Lady with yellow scarf » de Natalya Kuzmina .
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » Je pourrais ajouter : « Avez-vous donc un sexe ? » Qu’une partie se range au genre de Madame Et une autre à Monsieur, me semble bien complexe !
En revanche le neutre, en français est castré. Mais le plus étonnant, restent les mots abstraits : Souvent au masculin, tout emplis de noblesse, Souvent au féminin, tout empreints de faiblesse.
Le premier vers est extrait du poème « Milly ou la terre natale » d’ Alphonse de Lamartine.
Seule une silhouette bouge discrètement, sans prétention, À peine sortie du mystère d’une relation interdite. Dans son insolite habit rouge, sensé détourner l’attention, Elle quitte la chambre austère, tôt le matin, à l’heure dite.
Toujours en tenue écarlate, la voici autour de minuit Frappant juste un coup à la porte par pudeur et sécurité. Ainsi, l’histoire le relate, elle y passe toutes ses nuits Et seul ce rouge nous importe rémanant dans l’obscurité.
Madame ne saurait attendre sa collection de nouveautés : Bourgeons dorés et explosifs ; feuillaison de teint blondissant ; Feuilles sépia, parme et vert tendre ; jeunes épines biseautées ; Les parfums les plus exclusifs pour un printemps resplendissant !
La ville aime ses tons unis, rouge-orangé, au crépuscule Sur la trame de ses avenues selon le temps qui s’accommode ; Et les citadins communient en se fondant en groupuscules Qui sacralisent leurs tenues selon les rites de la mode.
Toute logique féminine – absurde par définition – N’agit en aucune mesure sur les lois de la mécanique Excepté la gent masculine – rustique dans ses finitions – Qui pense comprendre à l’usure ses frivolités organiques.
À l’aube des métamorphoses, tous mes petits « moi » se rassemblent. Chacun me raconte ses rêves pour m’en offrir les éléments Qui, durant la nuit de nymphose, se sont transfigurés ensemble En toutes ces présences brèves que j’ai vécues intensément.
Entre les puits de connaissances et les fontaines de jouvence, J’ai plongé dans l’eau de l’oubli et ses abysses amnésiques. Demain, peut-être, ma renaissance s’effectuera en connivence Avec un esprit assoupli d’une quiétude analgésique.