Catégorie : Reflets Vers inédits

Les maladroits, les trop osés, les non satisfaisants, les « à revoir » et tous ceux qui auraient sans doute dû finir à la poubelle.
Ils n’ont pas été choisis. Trop vifs, trop mous, trop bruts, trop flous.
Mais ils sont là. Fragments d’élan, chutes de vers, éclats d’essai.
Ils ne brillent pas toujours… mais parfois, ils clignent de l’âme.

  • Une fille à la barre

    Une fille à la barre

    Une fois larguées les amarres d’un amour perdu à jamais,
    Le cœur s’en va à la dérive sur le canal de la tristesse.
    La fille blessée en a marre et se laisse aller désormais
    N’importe où et, quoi qu’il arrive, en fonçant à toute vitesse.

    Mais la vie d’un fleuve tranquille connaît le calme et la tempête
    Et ce n’est plus le gouvernail mais le courant qui l’éconduit.
    La fille, comme une presqu’île sur l’océan de l’escampette,
    Refleurira, vaille que vaille… néanmoins c’est elle qui conduit.

    Illustration de Jean-Pierre Gibrat.

  • Pyramide

    J’aime quand l’artiste rejoint la pyramide des besoins
    Et quand les acrobates ensemble miment le monde qui nous ressemble
    Par une simple observation de leurs propres motivations.

    Au sol, les hommes physiologiques s’assurent des lois de la logique ;
    Debout, les hommes sécuritaires se révèlent surtout solidaires ;
    Assis, les hommes de l’affection ne montrent aucune défection ;
    L’homme de l’estime de soi est apprécié quoi qu’il en soit ;
    Quant à l’homme d’accomplissement il voit son resplendissement…

    Si la crise de la quarantaine sape le moral du capitaine,
    Il n’aura qu’à recommencer d’autres pyramides romancées.

    Le Cirque Trois-Rivières sur https:quebec.huffingtonpost.ca20150203cirque-du-soleil-hommage-beau-dommage-trois-rivieres_n_6605906.html .

  • Héros de papier

    Héros de papier

    Drogué à l’encre du plaisir de m’identifier aux héros
    Des aventures de papier aux confins des pages brochées,
    J’aimais cultiver le désir de suivre chaque numéro
    Depuis l’école, rentrant à pied et faisant maints et maints crochets.

    Depuis la Grande Pyramide, quarante siècles d’aventures
    Ont sonné l’écho des histoires, en plusieurs tomes déclinées.
    Garçons et filles, bien timides, sortaient de leurs mésaventures
    Par chaque pas vers la victoire des héros de bandes dessinées.

    Illustration de Jean Pierre Gibrat.

  • Un jour à la fenêtre

    Un jour à la fenêtre

    Passer un jour à la fenêtre à observer le temps qui passe
    Comme si j’absorbais le décor de l’extérieur vers l’intérieur,
    Passer mon temps à reconnaître le moindre détail qui dépasse
    De mon présent en désaccord avec mon passé antérieur.

    Je le pratique cent fois par jour quand je travaille à mon bureau,
    Selon ce que je manigance et que je crée dans ma cuisine.
    Ainsi j’agrémente mon séjour de poèmes caricaturaux
    Qui content les extravagances sentimentales qui m’avoisinent.

    Illustration de Jean Pierre Gibrat.

  • L’empreinte du masque

    L’empreinte du masque

    Quand nous aurons abandonné ces fichus masques imbéciles
    Qui n’ont jamais que défendu l’économie protectionniste,
    La tessiture amidonnée laissera des traces indélébiles
    Marquant les visages morfondus par leurs cicatrices bien tristes.

    Et malheureusement pour moi qui ne l’ai presque pas porté,
    J’afficherai ma tête intacte et me ferai vite repérer.
    J’attendrai donc au fil des mois que ces marques soient emportées
    Dans l’oubli du zéro-contact que je n’ai plus qu’à espérer.

    Illustration d’Enki Bilal.

  • Vivent les clones !

    Vivent les clones !

    Vive la vie multipliée, clonée et stéréotypée
    Grâce aux médias qui nous formatent et nous apprennent à rêver !
    Vive le monde simplifié et le bonheur anticipé
    Par nos attitudes automates dans des projets parachevés !

    Certes, il y aura des bousculades à la piscine et sur les pistes
    Mais avec un cerveau commun, tout ira comme sur des roulettes.
    N’ayons pas peur de l’escalade vers cet avenir utopiste
    Puisque, tous ensemble comme un, nous nous courbons sous sa houlette.

    Tableau de Maria Svarbova.

  • À refaire !

    Il semblerait que dans ce monde où plus rien ne sera comme avant,
    Il faille un jour recommencer et tout oublier du passé.
    Que mon cœur d’enfant vagabonde dans un futur dorénavant
    Où il n’ait qu’à ensemencer un peu d’espoir à ramasser !

    Quand nos enfants auront grandi dans ce monde de transition
    Que nos parents nous ont légué au nom de la civilisation,
    Soit ils en auront agrandi sa propre décomposition,
    Soit, aux animaux, délégués sa désindustrialisation.

    Tableaux de Marcel van Luit.

  • Tranches de vie

    Tranches de vie

    De l’enfance à l’adolescence, l’adulte, la vieillesse et la mort,
    Chaque période se consume dans une course à l’existence.
    Lorsque frappé d’obsolescence, je largue un étage sans remords
    On me prie comme de coutume de payer pour ma subsistance.

    La loi est dure mais c’est la loi quand ce n’est pas une religion
    Et dans une poussée juvénile, on part conquérir son destin.
    Moi, je verrais de bon aloi qu’un jour nous nous envisagions,
    Après le terminus sénile, être voyageurs clandestins.

    Sculpture d’Antonello Serra et de Sara Renzetti sur https:www.vice.comenarticlemg887qnsfw-disturbing-fleshy-sculptures-imagine-a-mutated-human-race .

  • Complémentaires et complimentaires

    Fruit d’un hasard élémentaire, les rencontres les plus fortuites
    Crèvent mon tissu de l’ennui lorsque je m’y attends le moins.
    Ce partenaire complémentaire, comme l’extra balle gratuite,
    Fait « tilt » en plein cœur de la nuit ; seule la Lune en est témoin.

    Car aussitôt le coup de foudre d’un beau sourire complimentaire
    Frappe mon cœur d’un coup de grâce qui, toute mon âme, disloque.
    L’amour me met le feu aux poudres comme étincelle élémentaire
    Et ma raison tombe en disgrâce d’un esprit qui bat la breloque.

    (Zoë Mozert – alias Alice Adelaide Moser – illustratrice et peintre américaine, 1907-1993).

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Homo-z-oiseaux

    Que ma Nature fasse sécession entre le haut, entre le bas,
    Entre les eaux, entre les airs, entre les sexes, schisme suprême !
    Qu’elle en accepte la mission à perpétuer son combat
    Et qu’elle me sorte du désert pour vaincre toutes mes extrêmes !

    Hélas, ma cervelle d’oiseau me fait rêver, le nez en l’air,
    Je suis la voie que ma Nature m’a choisi comme évolution.
    Je suis faible comme un roseau qui plie sous les vents en colère
    Mais qui porte la signature d’une forte irrésolution.

    Tableaux d’Igor Morski.

  • La tournée du chat noir

    La tournée du chat noir

    Dès potron-minet, on s’attable et de peur qu’on ne se morfonde,
    Qui son épée, sa hallebarde lève pour payer sa tournée.
    L’aubergiste, homme respectable, remplira leurs gorges profondes,
    Gosiers secs et bouches bavardes, patiemment toute la journée.

    Quand vient la tournée du chat noir – à l’heure où les matous sont gris –
    Les esprits battent la campagne et les cœurs parlent en divaguant.
    L’alcool fait perdre la mémoire tandis que la bourse maigrit ;
    Alors compagnons et compagnes rentrent chez eux en zigzaguant.

    Illustration d’André Juillard.

  • La planète sauvage

    La planète sauvage

    Certains, réduits en esclavage dans des labos plus que suspects,
    Ont pris la poudre d’escampette dès qu’ils se furent réveillés.
    Sur cette planète sauvage où les humains dormaient en paix,
    Les virus ont perdu la tête tant ils n’étaient plus surveillés.

    On a dit qu’ils venaient de Mars ou peut-être même de Vénus ;
    On aime bien brûler les sorcières au nom de la régulation.
    On a même cru à une farce appelée « coronavirus »
    Mais ce n’était qu’une souricière pour réduire la population.

    Illustration de Roland Topor.

  • Lever et coucher de soleil

    Dans sa robe couleur d’aurore, Madame Soleil au levant
    Hisse sa robe de couleurs à la dernière mode du temps.
    Et tous les oiseaux qui pérorent leurs derniers tubes dans le vent,
    Fredonner d’un chant roucouleur hardiment leurs nids du printemps.

    Dans sa robe couleur d’espoir, Madame Soleil au couchant
    Baisse sa robe d’uniforme dans un silence déroutant
    Mais le rossignolet du soir, sifflant son poème attouchant,
    Clôt la journée qui se transforme en un crépuscule envoûtant.

    Tableaux de Joan Marti Aragonés et Ernesto Arrisueño.

  • L’alchimie d’amour

    L’alchimie d’amour

    Quand l’homme retrouve la voie qui mène au cœur de la passion,
    Il ressent l’instinct magnétique qui l’attire comme un aimant.
    Il en perd le souffle et la voix par l’effet d’anticipation
    Qui donne l’élan érotique qui réunit les deux amants.

    Quant à la femme, elle se connecte aux racines passées et futures
    Et redevient la clef de voûte de son foyer jour après jour.
    Ainsi elle fait la collecte des graines de puériculture
    Soumise à la vie qui l’envoûte pour créer le fruit de l’amour.

    Illustration de Grzegorz Rosiński.

  • L’amour Butterfly

    L’amour Butterfly

    Aussi léger qu’un papillon, l’amour peut d’un battement d’aile
    Provoquer chagrins et tempêtes entre deux cœurs à l’opposé.
    La passion crée des tourbillons lorsqu’une relation infidèle
    Menée sans tambour ni trompette devient à l’autre présupposée.

    Or, dès que l’amour bat de l’aile, le cœur d’un millier de fragments
    Se désagrège et éparpille les débris du drame amoureux.
    Et les destinées parallèles se séparent entre les amants
    Qui se lamentent et s’écharpillent par des démêlés langoureux.

    Illustration de Benjamin Lacombe.

  • La femme au gant rouge

    La femme au gant rouge

    Après les horreurs de la guerre et les miracles de l’amour,
    L’homme, entre ces deux infinis, ballotte entre honneur et malheur.
    Quant à la femme, elle n’a guère d’autre choix que donner le jour
    À des enfants prédéfinis à perpétrer cette valeur.

    Les hommes ont du sang sur les mains, les femmes, une fois par mois ;
    D’un côté les vieux combattants, de l’autre, les ménopausées.
    La prochaine race de demain poursuivra-t-elle avec émoi
    L’opposition, le cœur battant, sur son passé décomposé ?

    Illustration de Jacques Tardi.

  • Sorties de bain

    Belles naïades impudiques, les belles dames de jadis
    Ont perfectionné l’art du bain en montrant un corps de sirène.
    Dès que Vénus se revendique, tous les jeunes hommes s’enhardissent
    À se proposer concubins ou même à épouser la reine.

    Mais aujourd’hui les bikinis ont recouvert tous les fantasmes
    Et les naïades actuelles ont perdu ce qui fait leur charme.
    Monokinis, burqakinis, avec plus ou moins d’enthousiasme,
    Sont les tenues contractuelles par les bonnes mœurs et les gendarmes.

    (Zoë Mozert – alias Alice Adelaide Moser – illustratrice et peintre américaine, 1907-1993).

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Sorties du néant

    Méfiez-vous des coups de bisous et de la manière impromptue
    Dont les prêtresses de l’amour, pour vous convier à leur couche,
    Font claquer comme un feu grisou dans votre oreille rabattue
    Ou sur une joue de velours ou pire, direct sur la bouche !

    Ce petit baiser sur la bouche, tiré par tireuse d’élite
    Dissimulée et embusquée pour ne pas vous donner l’alarme ;
    Un seul coup direct qui fait mouche et votre cœur qui se délite,
    Surpris, déconcerté, brusqué, succombe aussi sec sous le charme.

    Rolf Armstrong Pin-Up Poster, 1929.

  • Séparation…

    Séparation…

    Par la séparation des sexes, la Nature a préconisé
    Une évolution dirigée par le hasard d’une rencontre.
    Tous les caractères complexes se trouvent ainsi randomisés
    Et l’avenir est corrigé par des gènes qui vont à l’encontre.

    On se sépare, on se rassemble, on s’éradique, on se transforme
    Pour créer un monde meilleur, pour prendre le prochain départ.
    On se distingue, on se ressemble, on s’oppose ou on se conforme ;
    Quoi qu’il en soit, on vient d’ailleurs pour se retrouver quelque part.

    Tableaux de Bruce Holwerda.

  • … et fuite

    … et fuite

    Je suis parti de mon côté avec mes gènes masculins
    Tandis qu’ailleurs mon âme-sœur se fondait dans l’humanité.
    J’ai embrassé, j’ai bécoté dans presque tous les patelins
    Mais jamais l’âme du chasseur n’a trouvé sa féminité.

    Je l’ai cherchée à l’intérieur dans les replis de ma conscience
    Dans les chromosomes secrets tapis dans l’âme qui flamboie.
    Parfois, je montre à l’extérieur, d’une clairvoyante insouciance,
    Un peu du féminin sacré dans mes yeux de biche aux abois.

    Tableaux de Bruce Holwerda.

  • Quand les têtes avaient des visages

    Quand nous arborions un visage expressif et à découvert,
    Nous pouvions lire dans les yeux l’amour qui perlait à la bouche.
    Les filles aux jolis paysages favorisaient à mots couverts
    Un appel du pied périlleux à saisir leurs regards farouches.

    Au temps des frimousses en fleurs qui ne cachaient pas leurs boutons
    Sous un écran de pacotille, nous vivions le temps des humeurs.
    Les rires tournaient avec les pleurs, bien sûr, nous étions des moutons
    Mais nous discutions de broutilles sans avoir crainte des rumeurs.

    Tableaux de Bruce Holwerda.

  • Tombent les masques

    Mais lorsque tomberont les masques, osera-t-on se mettre à nu,
    Offrir un visage souriant, ouvrir la bouche et respirer ?
    S’envoleront-ils sous la bourrasque d’un vent de folie soutenu
    Par une volte-face houspillant ceux qui ne l’ont pas retiré ?

    « Tout ça, c’est une vieille histoire ! », clameront les anciens masqués.
    « C’était ça ou être honni ! », déclareront les vaccinés.
    Tel est le prix de la victoire sur une oppression démasquée
    Qui a frappé de félonie la liberté assassinée.

    Tableaux de Bruce Holwerda.

  • La voie de bohème

    Le passé s’empourpre et se fonce sous les périodes sensorielles
    Comme vieilles cartes postales aux tons fuchsia ou noir et blanc.
    Je sens l’empreinte qui s’enfonce dans la substance immatérielle
    Et l’immobilité létale du temps qui s’enfuit en tremblant.

    Or, voici que la nuit s’animent ces tons aux souvenirs inertes
    Qui renaissent en histories brèves pour une existence éphémère.
    La mémoire se montre magnanime envers les absences recouvertes
    De cette bohème de rêve qui renaît comme une chimère.

    (Photos d’Emma Summerton

    Images trouvées sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si les auteurs de ces images reconnaissent leurs travaux, je serai heureux d’en mentionner les noms avec respect.

  • Mignonne, la rose

    Mignonne, la rose

    Mignonne, allons voir si la rose a grandi quand tu es parti,
    Arrosée de larmes et de pleurs sur le bouton du souvenir.
    Dans ce petit matin morose mais mystique en contrepartie,
    Allons demander à la fleur que nous présage l’avenir.

    Si elle est rouge, il reviendra ; si elle est bleue, repartira ;
    Si elle est mauve, m’aimera encore ; jaune, en sera désespéré.
    Peut-être qu’il se souviendra, peut-être qu’il te mentira
    Selon la rose qui décore l’enclos des amours espérées.

    Tableau de Rafal Olbinski.

  • Histoire de goût

    Pour renforcer le goût fruité de mes papilles impressionnées,
    J’irai prendre une collation auprès des jeunes filles en fruits.
    Afin de ne point ébruiter mes jouissances passionnées,
    Je renforcerai l’isolation pour qu’il n’en émane aucun bruit.

    Et dans mon verger silencieux, je croquerai à belles dents
    La fraîcheur de leurs peaux sucrées et j’en boirai leurs jus laiteux.
    Si leurs goûts paraît tendancieux, je m’en ferais le prétendant
    Pour une cure consacrée à ce régime velouteux.

    Art Bulgare de Vladimir Dimitrov et Stoyanka Ivanova.

  • Les petits pois sont verts à la racine

    Dans cette Terre vierge de vie, j’ai semé ma première racine
    Afin de commencer l’histoire d’une écologie mélangée.
    En même temps, pour sa survie, a grandi une faune assassine
    Par la rivalité notoire de manger ou être mangé.

    Après quelques millions d’années, rien n’a changé sur la planète ;
    Le grand vainqueur de la création persévère dans la prédation.
    Pauvre Terre ainsi condamnée bientôt à faire place nette
    Par l’œuvre en accélération de sa propre dégradation !

    Illustrations de Jörgen Stock et Jordi Sàbat.

  • La porte-aux-rêves

    Portes fermées sur la culture et tout l’ensemble des beaux-arts ;
    L’âme qui se sent orpheline de ses racines naturelles
    S’en va chercher sa nourriture dans ses rêves les plus bizarres
    Où luit la lumière opaline de sa fontaine culturelle.

    Dans mon musée imaginaire, j’ai ôté toute interdiction
    Afin que l’air de connaissance circule selon le Feng Shui.
    Baudelaire et Apollinaire côtoient la science-fiction
    Et les tableaux sentent l’essence de l’utopiste que je suis.

    Tableaux de Daniel Merriam.

  • Sous le voile, le masque, le voile

    Démasquer la femme voilée pour abolir les religions
    Qui forcent le monde entoilé comme une sainte contagion ;
    Dévoiler la femme masquée pour arrêter les pandémies
    Qui poussent les forces casquées à tuer tous leurs ennemis ;

    Ce voile, fragile interface, n’est qu’un rempart de solitude
    Qui ne fait que voiler la face et contrer la vicissitude ;
    Ce masque, tissu de mensonges, n’est que protection illusoire
    Qui ne fait que masquer les songes d’une société dérisoire.

    Photos de Paul van der Lugt et de Tara McKinney.

  • L’utopie futuriste

    Hier, le futur m’était conté comme un joli conte de fées ;
    Magie de la technologie, amour et bonheur assurés.
    Toute ma jeunesse, j’ai escompté d’en décrocher tous les trophées
    Et d’amasser dans mon logis ses plaisirs manufacturés.

    Mais voilà, je vis dans un cube une vie stéréotypée
    Où tous les genres se mélangent avec de fausses perspectives.
    J’y déambule et j’y titube, comme un robot suréquipé,
    Je vis, bien que ça me dérange, d’hallucinations collectives.

    Illustrations de István Orosz.

  • Reconfinement

    Si hier, tu te confinais ; aujourd’hui tu te reconfines
    Et nous nous reconfinerons après-demain pareillement
    Si cette année je dessinais nos existences qui s’affinent
    Au jour le jour, aux environs, j’y verrai un harcèlement.

    On nous fait jouer des jeux de rôles ; on veut nous mettre le grappin
    Pour, après le choc amorti, nous retrouver sur le carreau.
    Alors ouvrons la cage aux folles, cages aux oiseaux, cages à lapins ;
    Jetons les serrures aux orties et laissons rouiller les barreaux !

    Tableaux de Abdullah Evindar sur https:designyoutrust.com201808turkish-artist-abdullah-evindar-creates-fantastic-surreal-silhouette-photo-collages .

  • Venise à la violette

    Venise à la violette

    Venise est voilée, Venise est violée
    D’un million de bras, d’un millions de pieds.
    D’un flot de touristes, d’un flot de visites
    Qui, chaque jour, passent, chaque jour trépassent.

    Venise est bien sombre, Venise est dans l’ombre,
    Lentement s’enfonce, lentement s’effondre.
    Que restera-t-il à minuit moins dix
    Lorsque sa journée sera terminée ?

    Photo de Pierre-Antoine Le Glevic.

  • La tête hors de l’eau

    La tête hors de l’eau

    Quelquefois, la tête hors de l’eau, voir le monde qui va à vau-l’eau
    Et prendre la température de la santé de la nature.
    Je suis trop vite sorti du bain, de la routine et du turbin ;
    Rien n’a changé sur la planète ; les humains ont perdu la tête.

    Le masque à ras sur la figure, juste en surface, me défigure
    Et l’interdît d’ôter ce voile me prend trop à rebrousse-poil.
    Plus rien ne sera comme avant, je vis derrière un paravent
    Et mon bocal-appartement m’enferme dans son élément.

    Photo de Jihoon Yang.

  • Les dessous de la Joconde

    Les dessous de la Joconde

    Sous la Joconde, le mystère de son sourire s’éclaircit
    Quand on observe sous sa jupe ses envies en cage d’amour.
    Ce petit démon qui se terre dans son cœur qui le remercie
    Et dont l’esprit, qui n’est pas dupe, rêve sous le jupon de velours.

    Dès qu’elle voit le pinceau du peintre, on entend les palpitations
    Du cœur qui se cogne aux barreaux de l’érotique crinoline.
    Alors sous la voûte en plein cintre escalade une excitation
    Qui remonte jusqu’au garrot puis, à ses lèvres sibyllines.

    Tableau de Rafal Olbinski.

  • Le goût du risque

    Le goût du risque

    Si tu souhaites me visiter, viens par le château de Kyburg.
    Là, descente en route en lacets, virages en épingle à cheveu.
    La vue en exclusivité décompte l’effroi à rebours
    Qui met Dieu dans ton cœur glacé pour l’appeler de tous tes vœux.

    Tu ménageras ta monture, boîte-à-vitesses et freins à disques ;
    Tu pirouetteras du volant, mains sûres et le pied au plancher.
    Tu pressentiras l’aventure te transmettre le goût du risque
    Par quatre roues batifolant dans un dérapage enclenché.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Les masques de Shéhérazade

    La mort masquée parmi les contes qu’elle répétait chaque nuit,
    Tout en étirant le suspense au bout du fil le plus ténu.
    Tant et si bien que chaque acompte haussait l’envie, baissait l’ennui
    Et l’auditeur, entre ses pinces, surseoir la mort de l’ingénue.

    Quand au matin tombait le masque, Shéhérazade toute nue
    De la folle imagination dont elle avait tant maquillé,
    D’une manière assez fantasque et une intrigue soutenue,
    Les muses de l’inspiration, en restait toute déshabillée.

    Tableau de Cordovelian.

  • L’infortune

    L’infortune

    On dit que l’on n’emporte rien de ses richesses après sa mort…
    Peut-être sont-elles décomptées comme handicap remanié ?
    Ainsi l’argent coronarien qui coule sans le moindre remords
    Ne serait qu’aisance escomptée pour vivre au-dessus du panier.

    Lorsque la porte de la mort ouvre un passage dissimulé,
    L’âme se doit d’être légère et délestée de toute attache
    Tandis que d’autres se remémorent tout le fardeau accumulé
    Par les fortunes éphémères dans leur cœur avare et bravache.

    Tableau d’Igor Morski.

  • Spot-en-ciel

    Spot-en-ciel

    Potentiellement dans le ciel, j’observerais des « Spot-en-ciel »
    Une sorte de message étrange de la messagerie des anges.
    Virtuellement dans l’espace, j’apercevrais l’ange qui passe
    En suivant la courbe du temps qui fait la pluie et le beau temps.

    Spotentiellement essentiel, presque quasiment démentiel,
    Si j’arrivais à le comprendre, saurais-je alors comment m’y prendre ?
    Même si j’apprenais leur langue, je craindrais l’effet boomerang
    Qui me ferait réaliser mon futur spiritualisé.

    Photo de Robert Rohr.

  • La maquette

    La maquette

    D’abord, Dieu fit une maquette pour montrer aux anges ébahis
    Son projet d’une Terre moderne sans guerre et sans désolation.
    Après, Lucifer malhonnête instaura dans tous les pays
    L’argent afin qu’ils s’y prosternent par le culte de l’inflation.

    Apparemment Dieu n’a rien vu ou bien il n’a rien laissé voir
    Et il a bâtit notre monde conformément à sa maquette.
    Lucifer avait tout prévu : il a imprimé son pouvoir
    Sur le papier monnaie immonde des billets pour sa propre quête.

    Tableau de Michel Cheval.

  • La lune captive

    L’élevage lunaire commence par une nouvelle lune chétive
    Dont le croissant se développe nuit après nuit assidûment.
    L’ange évalue sa performance sinon sa croissance rétive
    Selon le halo qui enveloppe ses curvilignes téguments.

    La pleine lune prend la tête, après deux semaines de régime,
    À l’ange qui perd le ciboulot malgré endurance et patience.
    C’est ainsi ; pour être vedette et obtenir son millésime
    Ça demande beaucoup de boulot et s’en mettre plein la conscience.

    Tableaux de Remedios Varo.

  • L’ensemencement de la rousse

    L’ensemencement de la rousse

    À la différence de l’homme qui disperse au gré sa semence
    Et tous ses petits chromosomes dans un orgasme de démence,
    Madame la Rousse préfère éparpiller les pissenlits
    Par la racine et laisser faire à l’homme l’amour dans son lit.

    Tableau de Rafal Olbinski sur https:www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com201104rafal-olbinski-surrealista-polacco.html .

  • Baker Street

    Baker Street

    Si tu vois son vélo fantôme, le Docteur Watson n’est pas loin ;
    Il continue après sa mort à enquêter sur Baker Street
    Avec son ami Sherlock Holmes et prennent les marchands à témoin
    Afin que tous se remémorent toutes leurs affaires instruites.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Immersion

    Immersion

    Bien sûr je n’aime qu’une femme ; bien sûr je ne vis qu’une vie
    Et ne connais de mon royaume que ce que j’ai vu de mes yeux.
    Bien sûr je sais qu’il est infâme d’être toujours du même avis
    Et croire que ce qui fait l’homme sont ses triomphes orgueilleux.

    Pourtant si j’observe le monde avec les yeux de ma moitié,
    Pourtant si j’écoute la Terre d’après ce qu’en disent mes enfants,
    J’apercevrais à la seconde les mille éclats d’un miroitier,
    J’entendrais la clef des mystères d’un dieu qui va philosophant.

    Tableau de Victor Sheleg.

  • Polychromies

    Chocolat, vanille des îles ou fromage blanc du terroir,
    Ébène, essences exotiques ou bois des forêts domaniales,
    Chaque couleur chante l’idylle et tous les secrets du tiroir
    Qui renferment mille érotiques perspectives matrimoniales.

    Que j’aimerais être couleur qui épouserait les contours,
    Courbes, surfaces et volumes de toutes les filles du monde !
    Je serais rayon roucouleur sur femmes aux plus beaux atours
    Que l’encre de mon stylo plume rendrait mille fois plus fécondes.

    Tableaux de Victor Sheleg.

  • La femme-papillon

    La femme-papillon

    Qui es-tu, Femme-papillon qui te camoufle le visage
    Derrière une aile en trompe-l’œil pour masquer ton intimité ?
    Suivant les taches et les sillons de ton délicat maquillage,
    Je lis les pages du recueil de toute ta féminité.

    Hier encore, tu étais chrysalide, juste vêtue de ton cocon
    Mais à l’aube te voilà sortie et tu as déployé tes ailes
    Qu’un soleil doux te consolide et fasse qu’un rayon abscons
    Imprégnera l’ombre assortie aux pensées de la demoiselle.

    Image trouvée sur Pinterest sans indication de provenance et de source inconnue. Si l’auteur de cette image reconnaît son travail, je serai heureux d’en mentionner le nom avec respect.

  • Sans rancune

    Sans rancune

    Ingénue, décontenancée, elle me guettait dans la ruelle ;
    Je m’en allais philosopher en marchant vers l’observatoire.
    Dans une tenue ordonnancée et de sa petite voix cruelle,
    Elle jouait à m’apostropher d’une manière ostentatoire :

    « Eh bonjour Monsieur le poète ! Vous me semblez bien excentrique !
    À tant marcher la tête en l’air, vous atterrirez sur la lune ! »
    Puis, après l’acerbe pirouette, d’un petit rire égocentrique,
    Elle ponctuait d’un « tralalère » son petit pamphlet, sans rancune.

    Tableau d’Igor Medvedev.

  • Caresse-moi là !

    Caresse-moi là !

    Ce point sensible entre les pattes que le félin offre à ma vue
    Afin qu’une intime caresse le fasse rugir de plaisir,
    Pourrait me rendre ou psychopathe ou bien me prendre au dépourvu
    Mais comme je connais la tigresse, je me soumets à son désir.

    Photo de Graeme & Julie Aker sur https:www.flickr.comphotosbig_graeme .

  • Chapeau château

    Une tête en forme d’arène qui s’enroule jusqu’au sommet,
    La reine s’est couronnée d’office pour masquer son infirmité.
    De sa mère en queue de sirène aux atours de chant renommés,
    Son crâne prit la forme d’une vis pour marquer sa divinité.

    Tableau de Matteo Arfanotti sur https:www.tuttartpitturasculturapoesiamusica.com201112matteo-arfanotti-1974-italy.html .

  • Bateau lunaire

    Bateau lunaire

    Par la lune en guise de voile, le navigateur solitaire
    Sur l’océan du firmament dans les dimensions fractionnaires.
    Les îles deviennent des étoiles qui forment des atolls stellaires
    Et le temps suspend un moment son vol dans l’espace stationnaire.

    Tableau de Josie Wren.

  • Pomme ou carotte

    Pomme ou carotte

    Adam, là peint en chaud lapin et Ève, sa chaude lapine,
    N’ont pas tenu une journée sans croquer le fruit défendu.
    Le serpent leur mit le grappin et séduisit la galopine
    Dès que Dieu eut le dos tourné de son jardin condescendu.

    Mais la carotte est un légume qui n’apporte point connaissance
    Mais qui fait pousser les oreilles et les dents pour faire bombance.
    Alors Dieu, comme de coutume, vit que cela était tendance
    Et créa la salsepareille puis, la luzerne en abondance.

    Tableau de Hanna Silivonchyk.

  • La lecture de voyage

    La géolocalisation par satellite est périmée
    Depuis l’insolite invention de la lecture de voyage.
    Par la miniaturisation de tous les atlas imprimés
    Et surtout par l’intervention d’un ingénieux appareillage.

    Tous les pays ainsi reliés par un astucieux engrenage
    Entraînent autant de roues dentées qu’il existe d’itinéraires.
    Donc plus besoin de replier des cartes de dix-mille pages
    Grâce aux chapitres indentés à leur glossaire littéraire.

    Tableaux de Remedios Varo.